dimanche 20 novembre 2011

Suroptimisme vs. Résignation

Le bonus du dimanche !

Juste une petite réflexion que je me faisais en lisant un article (merci Ben pour le lien). Cet article démonte le dernier livre optimiste sur l'avenir du monde : Les trente glorieuses sont devant nous. Ecrit par des gens apparemment très intelligents diplômés, cet ouvrage nous expliquerait comment renouer avec la croissance. Que les trentes glorieuses sont devant nous etc.

L'article montre du doigt quelques erreurs de jugement manifestes des auteures, la principale étant qu'apparemment les auteures jugeraient que les trentes glorieuses, c'était bien : effectivement il suffit de regarder du côté de la croissance, c'est excellent. Si on regarde ailleurs, ça l'est un peu moins tout de suite. D'ailleurs si l'on revenait aux trentes glorieuses, je propose aux femmes de laisser leur boulot aux hommes, et également de ne pas s'inscrire chez Pole Emploi et  : je suis sûr qu'on combattra même le taux de chômage ainsi ! L'époque des trentes glorieuses, ça a du bon finalement...

Trêve de plaisanterie. Effectivement, ainsi décrit par l'article que je viens de lire, le livre parait tenir un propos relativement stupide. Non les Trentes Glorieuses ne sont pas devant nous, car les conditions sociales, démographiques, énergétiques et géopolitiques n'ont absolument rien à voir. C'est aussi stupide que de dire que la Révolution Industrielle est devant nous. Non, elle est derrière, elle aussi. Vouloir y revenir c'est faire preuve de ce que la droite critique comme "l'aveuglement de la gauche face aux réalités". Et apparemment, certaines leur donneraient raison.

Mais le livre... ne dit pas tout à fait ça. Le titre est très très très mal choisi et effectivement, et certaines thèses défendues me semblent singulièrement ignorante des réalités (je ne suis pas certain qu'il faille investir dans l'industrie aéronautique de masse par exemple, pas besoin d'avoir fait Supaéro ni le DESIA pour se poser des questions sur son avenir). Mais l'article qui le descend s'incrit dans la pure tendance actuelle du mouvement écolo en France : faire déprimer les gens. Même si au fond, ils portent un autre espoir.

Car il me semble qu'aujourd'hui les courants de pensées à gauche et chez les écolos se balancent sur un fil, et tombent chez chacun dans un excès ou dans un autre. D'un côté, on a la gauche "réaliste" qui, je ne le crains, va finalement faire une politique très centriste, et qui ne sauvera donc pas le pays. Ça évitera ceci dit de l'enfoncer autant que ne le font nos amis du gouvernement actuel mais bon c'est quand même pas la joie... Et de l'autre les écolos, qui disent "on va tout arrêter ici et maintenant, le nucléaire on le remplace par du charbon, et nous devons tous nous résigner -- dans la joie néanmoins ! -- à nous déplacer à vélo quand on veut aller en vacances". Oui j'exagère, mais elles n'en sont pas si loin dans les propos qu'ils (elles) tiennent. J'espère que ça pense différement dans les thinktanks.

Certes la croissance par l'énergie c'est mort. Un m, un o, un r, un t, mort. Oui, il faut arrêter de prendre sa voiture pour un oui ou pour un non. Oui, le nucléaire doit coûter plus cher pour être plus sûr. Oui, il faut progressivement remplacer toute source d'énergie fossile par une source d'énergie renouvelable sans émission de GES et donc payer plus cher son électricité. Mais oui, il faut payer ses dettes et tenir compte, malgré leur stupidité manifeste, du AAA des agences de notation car on est toujours en faute de ne pas pouvoir rembourser un prêt contracté. Oui, il faut arrêter les conneries et donc arrêter de soutenir un endettement croissant, afin de ne pas se trouver soumis à des choix politiques choisis par ses banquiers!

Maintenant entre intégrisme écologiste et intégrisme libéral-capitaliste, je veux croire qu'il existe une voie politique possible. Une voie, ou plutôt une voix qui ne dit pas que devant nous ça va être les Trentes Glorieuses. Une voix qui ne dit pas que devant nous, il faut revenir au début du XXe siècle non plus et s'éclairer à la chandelle.

Une voix qui en améliorant l'égalité, tire mécaniquement ET temporairement la croissance vers le haut pour nous donner une bulle d'oxygène financière (dont nous avons besoin), puis qui taxe progressivement de plus en plus la consommation d'énergie et de ressource (mais ce de façon socialement responsable aussi, les premiers litres d'eau n'ont pas le même usage que ceux pour remplir sa piscine olympique personnelle, les familles doivent pouvoir s'éclairer, mais il serait bien d'éteindre la lumière des toilettes après y avoir fait son oeuvre), et qui redistribue dans l'éducation, l'industrie de pointe et dans l'autosuffisance énergétique. La croissance sans augmentation d'énergie j'y crois. Mais après tout je ne suis pas économiste...

Pendant ce temps, à Matignon, on s'attaque au vrai problème de la France : les fraudes sociales.

...



5 commentaires:

  1. correction : les fraudes sociales ET Hadopi 3

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  2. "Mais oui, il faut payer ses dettes et tenir compte, malgré leur stupidité manifeste, du AAA des agences de notation car on est toujours en faute de ne pas pouvoir rembourser un prêt contracté. Oui, il faut arrêter les conneries et donc arrêter de soutenir un endettement croissant, afin de ne pas se trouver soumis à des choix politiques choisis par ses banquiers!"

    Alors là je ne suis pas tout à fait d'accord, dans la mesure où le système financier a soigneusement été modifié de façon à ce que les États ne puissent justement pas rembourser leurs dettes.

    Explications ici pour ceux qui le souhaitent :
    http://attac08.over-blog.org/article-comprendre-la-dette-publique-en-quelques-minutes-85855054.html

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  3. Tout à fait d'accord, Angela. Néanmoins, on est en faute de ne pas pouvoir rembourser ses prêteurs. Et on est en faute aussi de s'être mis dans cette situation. La bottom line c'est qu'un jour via une dévaluation de monnaie ou via une politique de rigueur, il faudra effectuer ce remboursement. Je préfèrerai via la première option. Mais tout à fait d'accord pour dire qu'il est honteux qu'on emprunte nécessairement sur les marchés et qu'on se soit interdit une dévaluation contrôlée.

    De plus, on ne peut pas financer la Lune avec la planche à billet, donc autant on peut se permettre d'en faire de temps à autres, autant il faut bien un jour se faire à l'idée qu'on doit fonctionner avec la richesse créée point barre (à la limite, on peut intégrer la croissance future, mais 80% du PIB, c'est une sacrée projection de croissance). Car sinon on revient à des périodes d'inflation galopante.

    Donc tout à fait d'accord avec ton point de vue, et la vidéo. Et d'ailleurs le jour où l'Europe fera enfin de la planche à billet, ça nous fera du bien...

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  4. Bonjour,
    "La croissance sans augmentation d'énergie j'y crois. Mais après tout je ne suis pas économiste..."
    Justement, si vous étiez économiste, vous seriez absolument convaincu de cet argument.
    C'est le grand malheur de toute la sphère économique, médiatique et politique, ils n'ont pas compris qu'il est physiquement impossible de faire de la croissance sans augmenter la consommation d'énergie. Cela n'a rien d'écologiste et je regrette que vous fassiez ce raccourci.
    Pour avoir assisté à la conférence internationale sur les pics de pétrole et de gaz à Bruxelles, je peux vous dire que les experts pétroliers et autres consultants en énergie sont d'accord sur ce point. Sont-ils des écolos pour penser cela ? J'en doute ...

    Je vous le redis tout net: il n'est pas possible de faire de la croissance économique sans augmenter la consommation d'énergie.
    Si vous pensez l'inverse, en vous basant par exemple sur l'Allemagne qui parvient à faire de la croissance de PIB en augmentant très peu sa consommation d'énergie, demandez vous où sont fabriqués les produits de grande consommation, les matières premières, les ordinateurs qui nous permettent de faire du tertiaire etc...

    A l'époque de la mondialisation (qui touche à sa fin) il faut faire une analyse internationale car vous savez bien que la plupart de nos activités polluantes et énergivores ont été délocalisées dans les pays émergents.
    Certes, l'efficacité énergétique et les progrès techniques permettent de faire baisser l'intensité énergétique (énergie consommée/$ de PIB), mais la quantité totale d'énergie consommée doit croitre pour faire de la croissance.

    http://wikirouge.net/wiki/images/thumb/3/32/PIBMondialConsommationIntensit%C3%A9Energ%C3%A9tique.png/759px-PIBMondialConsommationIntensit%C3%A9Energ%C3%A9tique.png

    http://www.avenir-sans-petrole.org/article-impact-du-pic-petrolier-sur-l-economie-conference-aspo-2eme-partie-73812773.html

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  5. Bonjour Benoit,

    Déjà je vous remercie pour ce commentaire argumenté et documenté.

    Je me suis peut-être mal exprimé mais je soutenais, au contraire, que seuls les écolos me paraissent penser la société sans croissance du PIB. Et il me semble que cette idée (selon laquelle la croissance est directement liée à l'augmentation d'énergie) est très largement partagée, que ce soit par les médias (français ou américains d'ailleurs), la sphère politique ou dans une certaine mesure l'opinion publique. Au contraire, je m'attendais bien à ce qu'à balancer des idées de croissance sans énergie, un courant de pensée très majoritaire ne me prenne à la gorge. Et que les experts pétroliers soient d'accord avec cette même pensée me parait tout à fait logique, je les verrais d'ailleurs mal argumenter le contraire. Donc je ne sais pas quel raccourci j'ai fait, mais il me semble que sur ce point, nous nous soyons mal compris.

    Dans cette acceptation de la corrélation croissance/énergie, certains forcent le pas en disant "on trouvera plus d'énergie" et d'autres disent "il faut faire sans augmentation d'énergie". Et je pense que le billet est assez clair pour dire ce que je pense de la première opinion. En revanche, je peste aussi contre les discours déprimant qui prônent le retour à la bougie. Je ne dis pas que c'est ce que vous soutenez, je dis que c'est ce que j'entends. Car je pense qu'in fine, nos conceptions sont très proches, mais nous les approchons différement.

    Quand vous me dites qu'il est "physiquement" impossible de faire de la croissance sans augmentation, je vous ferai remarquer qu'il faudra, pour me convaincre, plus qu'un graphe montrant la corrélation parfaite entre évolution énergétique et évolution du PIB... En effet, nous n'avons jamais essayé de faire autrement car nous n'avions jamais besoin de faire autrement que de produire "plus": nous n'avions pas de limite. On peut produire "mieux" sans augmentation d'énergie. Certes, in fine, le produit aura la même valeur, oui : on aura effectivement utilisé la même quantité de travail pour le produire donc son "prix de production" devrait être le même. Il n'empêche qu'on a fait quelque chose de mieux, donc il y a bien une richesse quelque part qui a été créée.

    Cela n'est pas une réponse sophiste. Mais quand on me dit "richesse", je ne pense pas "dieu PIB". Mais là encore, cela vient peut-être du fait que je ne suis pas économiste... ce qui j'espère n'est pas une tare incompatible avec la formulation d'une pensée politique. Que la croissance du PIB soient bornée par l'énergie, c'est une théorie que je veux bien admettre mais en tous les cas "physiquement" me parait un terme qui n'a pas sa place ici. "Economiquement", "factuellement", "historiquement" sont des termes bien plus honnêtes avec la réalité. Que la richesse des individus d'une société puisse augmenter, et que donc une forme de croissance bien matérielle puisse exister et être fortement décoréllée de la croissance en énergie, ça oui. Mais vous n'êtes pas le premier à poser la question sur cette histoire de croissance et j'avoue que le billet n'est pas des plus clairs sur le terme "croissance", en particulier puisque je n'entends pas augmentation du PIB.

    L'exemple de l'Allemagne n'en est pas un du tout à mes yeux, donc n'ayez crainte à ce sujet. De façon générale, je n'envie pas la situation allemande, en particulier à long terme. L'intensité énergétique est un sujet très intéressant, mais tout comme vous, je ne crois pas à une croissance qui perdurerait, à long terme, simplement par des économies d'énergie ou par une odieuse externalisation des pollutions.

    Au plaisir de vous lire,
    Simon.

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