dimanche 27 février 2011

Tastes like chicken

[trad: On dirait du poulet]

La vie d'un thésard est très difficile parfois. En effet, on nous sous-paye et, afin de nous dégoûter encore plus de notre salaire, on nous montre occasionnellement ce que c'est d'être pété de thune... C'est encore pire que quand on revient chez Papa et Maman de temps à autre, moment qui est déjà l'occasion pour monter d'un cran (ou deux) de niveau de vie. Par exemple, Papa et Maman achètent de la sole et des noix de Saint-Jacques quand tu achètes du pangasius (le moins cher à carrouf et c'est franchement pas mauvais !). Papa et Maman achètent des vins de table à 10 euros chez Nicolas, quand toi t'y vas que pour les grandes occazs... Et c'est d'ailleurs bien l'unique raison pour laquelle on leur téléphone encore, parce que hein...

Cet ignoble traitement -- humiliant au possible -- que nous impose notre directeur de thèse, c'est d'aller en conférence. La Nouvelle-Orleans fut ma première, un baptême de speaker donc mais aussi un baptême de grenouillage intensif, et surtout un baptême des spécialités culinaires du sud américain.

Wassup dawg?
(image from wikimedia, under GPL, author: Bignoter)

Comme c'est tout frais payés, nature humaine oblige, on se met à ne plus tolérer l'hôtel s'il n'arbore pas au moins 4 étoiles, et chaque repas doit s'accompagner au moins de son trio jazz ou d'un récital de piano classique. Sans compter l'avion, ce seront près de 1000$ (c'est à dire à peu près 2€, interdit de se moquer des monnaies faibles !) qui me seront remboursés pour 4 jours de conférence et que des tarifs de groupe. Disons qu'il y a du niveau. Mais du coup, quand on rentre à la maison, et qu'on se fait des pâtes au beurre, on déprime forcément un peu...

En quoi consiste une conférence ? En gros...
- petit-déjeuner super fat avec des gens, (tu sais pas qui c'est, limite tu t'en fous un peu, il est que 7h...)
- aller voir d'autres gens causer de choses qui t'intéressent,
- bouffer entre deux présentations parce que quand même ils ont l'air bon les ptits fours du lobby,
- en profiter pour grenouiller,
- aller voir quelqu'un qui parle de quelque chose ne t'intéresse absolument pas mais bon t'es quand même pas venu ici pour glander et si tu restes dans le lobby tu sais que tu vas finir par bouffer tous les petits fours,
- stresser pour ta présentation à toi si t'es pas encore passé,
- déjeuner avec des gens, et se gaver malgré les petits fours,
- en profiter pour grenouiller,
- aller à d'autres présentations,
- bouffer entre deux présentations parce qu'ils ont changé c'est plus des petits fours maintenant c'est des beignets et ça sent trop bon,
- en profiter pour grenouiller,
- continuer à stresser pour ta présentation si t'es toujours pas passé,
- sortir dîner avec d'autres gens, et se gaver parce que hein t'en avais pas mangé tant que ça des beignets
- en profiter pour grenouiller,
- aller à un open bar spécial conférence, où en plus c'est open poulet frit et même si t'as déjà mangé, ça a pas l'air mauvais,
- en profiter pour grenouiller,
- finir ses slides pour la présentation si t'es pas encore passé aujourd'hui,
- tenter de dormir malgré toute cette bouffe,
- itérer jusqu'à la fin de la conférence.

Après il faut dire que c'était une conférence à la Nouvelle-Orleans, ville qui aura droit à son propre billet, mais disons le ici déjà : c'est une ville particulièrement hédoniste -- et ce dans l'interprétation américaine -- et (=donc) portée sur la friture. En effet, dans le sud des Etats-Unis, tout se frit. Quand je dis tout, c'est vraiment TOUT. Le poulet, le poisson, la patate, l'oignon bien sur, mais également les pâtes, l'huître, la glace, et même du beurre*. Rien qu'en reparler là, je me sens pas très bien...

[trad: Beurre frit
Un peu de beurre congelé, entouré d'une pâte riche, frite par immersion dans un bain d'huile, saupoudrée de sucre et de canelle, et recouverte de chantilly. Et accompagnée de chips sucrées à la cannelle.
Si seulement, j'avais la force de bouger mon gros cul pour aller en chercher...]

Et notamment, j'ai pu, à une certaine occasion, goûter une viande particulièrement singulière, j'ai nommé l'alligator. J'ai même eu droit à un Gator-boy, c'est à dire un burger d'alligator. Était-il nécessaire de préciser qu'il fut frit ? Et à la première bouchée -- enfin passé le chuintement huileux du gras broyé entre les dents -- ce fut la révélation, l'épiphanie, l'apocalypse** : je comprenais enfin ce cliché américain du "tastes like chicken". En effet, l'alligator, ça a un gout de poulet. Mais vraiment ! C'est pas à peu près du poulet, c'est VRAIMENT du poulet. Bon quand on regarde la viande, on se dit que le poulet devait être sacrément malade, mais dans la bouche c'est kif-kif.

Et les américains ont en effet ce cliché que chaque viande qui sort un peu de l'ordinaire a un goût de poulet. Et cela leur vient simplement du fait que la viande de tortue, l'alligator, et pleins d'autres reptiles, qui sont très couramment servies dans le sud des Etats-Unis (c'est à dire de la Louisiane à la Floride), ont effectivement un goût de poulet.

Bien sûr on pensera à la référence Stargate, dans laquelle le Dr. Jackson goûte un met étrange sur une lointaine planète et... tastes like chicken. Mais, par un renversement sémantique intéressant, l'expression est devenue aujourd'hui une façon humoristique de dire que ce qu'on mange est étrange ou même pas très bon. Par exemple ici, dans un épisode de la série Stargate SG1, le Dr Jackson utilise cette expression pour faire de l'humour sur la qualité médiocre de la nourriture qu'il ingère, sachant que le spectateur averti rira surtout pour l'auto-référence qu'il fait ainsi à son personnage dans le film Stargate.

[trad: - On dirait du poulet - Et alors ? - C'est censé être des macaronis au fromage...]


Sinon, les huîtres frites... c'est peut-être un sacrilège mais c'est pas dégueu non plus...


* Oui c'est possible. Il suffit de refroidir la glace ou le beurre a des températures très basses. Cette vidéo vous montre comment faire de la glace frite: ils ne précisent pas la température du congélo, mais de ce qu'on m'a dit il faut vraiment pousser le congélo à fond.
** Dans son sens étymologique...

1 commentaire:

  1. Ceci pourrait répondre au grand mystère du " Taste Like Chicken ", au moins pour l'alligator ^^

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_%C3%A9volutive_des_oiseaux

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