lundi 26 juillet 2010

Tout ça pour un sandwich ?

Boulder, ça veut quand même dire "grosse caillasse" en anglais. Si l'on regarde à l'est, on comprend pas trop. Mais quand on se tourne à l'ouest, alors on voit bien pourquoi la ville porte ce nom. Les Flatirons ("semelles de fer à repasser" pour rappel) dominent en effet largement le paysage Boulderien et les Rocheuses s'imposent au-delà, avec encore aujourd'hui de la neige sur les plus hauts sommets. En fait le seul truc qu'il manquerait à Boulder pour le rendre son paysage encore plus "awesome" (trad : "cool" :p) c'est la mer. Et tout le monde le sait bien ici, aussi certains artistes se sont laissés aller à imaginer le "awesomer"*.

Boulder, California

Vous ne pouvez pas voir les détails sur cette mauvaise photo, mais la ville de Boulder y est très bien représentée, tout juste coupée au sud après l'université. On y distingue même l'Engineering Center ainsi que les autres principaux bâtiments de l'Université. Et j'avoue : ça claquerait sa mère wesh !


Il y a deux semaines, j'étais parti biker dans cette belle contrée. Ne pas comprendre chevaucher une Harley Davidson mais plutôt monter en selle sur mon vélo premier prix qui vaut -- et neuf ! -- moins cher que les accessoires qui l'ornent (lumières avant et arrière, panier, chaîne antivol, puce électronique et bien-sur mini-bar). Avec dans l'idée de monter quelques centaines de mètres, histoire de surplomber le Boulder County.

J'avais remonté le Boulder Canyon Drive, qui comme vous l'avez deviné serpente dans le... Boulder Canyon. J'avais ensuite essayé de passer de cette route à une autre route, malheureusement il y avait des propriétés privées partout et je n'avais pas envie de recevoir du calibre 22 dans les fesses pour avoir odieusement roulé sur les terres d'un fermier boulderate. J'avais donc rebroussé chemin, et le temps n'aidant pas, j'avais été forcé d'écourter ma balade sans avoir véritablement grimpé quelque chose -- et ce contrairement à ce que disait mes cuisses qui objectèrent d'ailleurs furieusement les jours suivants.

Mais j'avais déjà eu l'occasion de voir de bien belles choses. En effet, j'ai pu contemplé THE Boulder, le rocher qui donne son nom à la ville. C'est effectivement un bien beau rocher. Jugez plutôt :

Boulder's boulder's boulder.
(trad : Le rocher de Boulder est un rocher)

Mais également au programme, j'avais pu contempler d'étranges sculptures sur l'eau. Une preuve certaine de l'existence d'extra-terrestres à Boulder, Colorado.

Les pierres aussi ont le droit de faire du yoga dans la Boulder Creek

Mais bon, je ne voulais pas suivre les routes. J'ai voulu tracer mon chemin. Aller plus haut, aller plus haut. Où l'on oublie ses souvenirs. Aller plus haut, aller plus haut, se rapprocher de l'avenir. Allez tous en coeur !!! Hum...

Donc je voulais gravir le Mont Audubon. John-Jack Audubon, c'était un frenchie, encore un. Il a étudié plein d'oiseaux et il adorait ce pays. Donc les Américains l'honorent à plein d'endroits, un mont par-ci, une fondation par là. Alors pourtant qu'il a jamais mis les pieds au Colorado. Mais faut bien donner des noms... :p Le Mont Audubon, c'est déjà une belle bête puisqu'il culmine à 13223 pieds, soit 4030 m. J'ai proposé ça au labo, mais ils ont tous trouvé des excuses pour se défiler. Seul Fred a accepté le challenge.

Nous sommes donc partis à deux Samedi matin, vers 8h, pour vaincre le géant. Et alors que je sors juste de chez moi, je vois ça :

WTF ?!

Un cerf se promenait tranquillement sur mon parking, à brouter les feuilles comme si de rien n'était. J'étais habitué maintenant à voir des écureuils tous les dix mètres, des ratons-laveurs le soir, et même des moufettes, sans parler de la tripotée de souris et de mulots. Mais le cerf dans le parking c'était une première. Pour ceux qui pense que c'est photoshoppé voilà une vidéo de la scène. Je rappelle que mon appareil photo a un zoom quasi-inexistant.


Avec Fred, on a regardé l'animal sans y croire pendant quelques temps, puis on a finalement décidé de mettre pleins gaz vers le Lac Mitchell, notre point de départ vers Audubon. Nous sommes arrivés assez tard, et nous avons dû garer la voiture à une borne du point de départ de la piste, car la région est assez touristique. Nous allons emprunter le chemin quand nous tombons sur un panneau terrifiant, indeed :

Un lion des montagnes, ça n'est jamais qu'un gros chat, hein... enfin... quand même...

Mais bon, nous avions chacun laissé nos dernières volontés dans la voiture donc nous serons en paix avec nous-mêmes, le cas échéant où un troupeau de cougars (rrrrrrrrr !) nous tombait dessus en pleine ascension. Et puis nous avons également chacun un couteau (bon moi c'est un couteau à bout rond, mais hey on fait ce qu'on peut). Nous commençons donc la grimpette des 1000 derniers mètres, puisque c'est à peu de choses près le dénivelé du sentier.

Inutile de vous dire que c'était absolument magnifique. Je ne peux pas mettre toutes les photos ici mais de toute façon, ce ne sont pas des expériences qu'on résume avec des photos. Imaginez simplement un sentier qui commence entre les pins, qui serpente gentiment avant d'exposer les premières montagnes alentours, gentiment grignotées par les nuages, quelques mille pieds en dessous de vous. Et encore, ce n'est que le début. Car cela grimpe comme ça sur environ 200 mètres de dénivelé, tout doucement. Ensuite, on marche à découvert sur un sentier qui s'assimile de plus en plus à un vague tracé sur un tas de cailloux. Au bout d'environ 750m de dénivelé on atteint la base du Mont Audubon, à proprement parler.

Le panorama à mi-parcours. On pourrait s'arrêter là non ?
(cliquez-moi pour voir les détails)

Mais qu'est-ce que le Mont Audubon ? C'est avant-tout un gros tas de cailloux. Littéralement. L'appellation "les Rocheuses" ne m'a jamais semblé aussi criante de vérité. Les plus gros blocs font peut-être un mètre de diamètre, les plus petits sont des galets. Et il n'y a plus de sentier ! Il faut grimper -- escalader serait plus juste -- les derniers deux cents mètres comme un grand. Avoir couru sur les rochers des plages bretonnes dans sa jeunesse, ça aide. J'ouvre ainsi la trace, testant chaque rocher, chaque prise, car Fred est hésitant. Il faut dire que c'est difficile. Depuis 1/2h nous avons mal à la tête, et je pleure désormais à chaudes larmes. Non par pour l'émotion, du tout, mais par réaction physiologique à l'altitude et la sécheresse. Arrivé à mi-parcours cependant, nous faisons la rencontre tant redoutée : un animal sauvage se dresse devant moi, à quelques mètres à peine, et me crie dessus.

The Vorpal Marmot
(trad: la marmotte vorpale(=tueuse), en référence au lapin des Monty Pythons)

Le petit être est bien courageux car il m'a tenu tête alors que j'étais à moins d'un mètre cinquante. Sa maison se trouve probablement juste sous le gros caillou. Nous continuons donc sur les derniers mètres... et en fait il en restait encore vingt derrière... puis encore quinze. Ça n'en finit pas. Mais une fois arrivé tout en haut, c'est l'exultation. Nous dominons toutes les montagnes immédiatement aux alentours et avec peut-être 20km de visibilité le panorama est ahurissant. Il est 13h30 nous en profitons pour grailler. Et j'ai bien sûr amené un saucisson !**

Le Frenchie déguste son saucisson. 
(mon béret et ma baguette sont hors-cadre)

Nous restons là une demi-heure. Nous aimerions rester plus longtemps mais les nuages qui montent vers nous du nord ne m'inspire guère. Et redescendre les rochers ne va pas être facile. Je me rappelle de mes souvenirs de météorologie en pilotage concernant la montagne "La seule chose dont tu peux être sûr en montagne, c'est que ça peut toujours partir en sucette en moins de dix minutes." Nous écourtons donc la pause et nous descendons, au moins histoire de ne pas avoir à redescendre la pile de caillasses sous la pluie ou la neige. Quand même, c'était agréable, là haut...

Parce que Supaéro, ça laisse des habitudes...

Et pourquoi avons-nous gravi cette montagne ? Bien sûr pour la découverte, la liberté, etc. Mais aussi parce que nous allons avoir un sandwich gratuit ! Toute photo sur un mont assez élevé de la région donne un repas gratuit dans une sandwicherie de la colline de l'Université.

Donc... tout ça... pour un sandwich ?




* A ceux qui pense que c'est une faute : oui c'est vrai, mais tout le monde parle comme ça ici !
** Une saucisse sèche italienne. Plus proche d'un chorizo que d'autre chose.

1 commentaire: